Dans l'Orient chrétien, on aime la vieillesse parce qu'on pense qu'elle est faite pour prier. Quand on est vieux, et qu'on sent Dieu proche à travers la paroi de plus en plus ténue de la vie biologique, on devient comme un enfant conscient, remis au Père, allégé par la proximité de la mort, transparent à une autre lumière. Une civilisation où l'on ne prie plus est une civilisation où la vieillesse n'a plus de sens. On marche à reculons vers la mort, on singe la jeunesse, c'est un spectacle déchirant parce qu'une possibilité est offerte, prodigieuse à travers l'ultime dépossession, et qu'elle n'est pas saisie. Nous avons besoin de vieillards qui prient, qui sourient, qui aiment d'un amour désintéressé, qui s'émerveillent ; eux seuls peuvent montrer aux jeunes qu'il vaut la peine de vivre et que le néant n'a pas le dernier mot. Tout moine dont l'ascèse a porté fruit est appelé en Orient, quel que soit son âge, un "beau vieillard". Il est beau de la beauté qui monte du cœur. En lui les âges de la vie se composent, symphonisent pourrait-on dire. Et surtout l'originel est retrouvé : blanc d'une blancheur transfigurée, le "beau vieillard", a des yeux d'enfant".
Olivier Clément
Je rêve de terminer ainsi ma vie, rassasiée de jours et irradiant la Lumière du Christ